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De Congo a Rwanda
"There is only one need, the truth. This is why there is only one force, the right "- Victor Hugo
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Lu sur Indymédia Paris : "En Afrique, l'État français est un grand criminel. Depuis l'octroi des indépendances, il n'a pas cessé de soutenir des dictatures et, bien souvent, d'entretenir des guerres civiles ou de fomenter des coups d'État. Pour la classe dirigeante française, l'obtention de débouchés, le pillage des matières premières (pétrole, gaz, uranium, métaux rares, bois, etc.) et l'influence dans les institutions internationales (notamment à l'AG de 'ONU) sont des enjeux considérables face auxquels les considérations humanistes n'ont aucune valeur. Si les anciennes colonies françaises sont partiellement mais surtout formellement indépendantes, l'Etat français a mis en place un ensemble complexe de liens franco-africains qui fonde le système néo-colonial : bases militaires assurant la sécurité des intérêts français (Dakar, Djibouti, Libreville, Port-Bouët, Bangui), « aide » bilatérale, franc CFA, accords de coopération (militaires, économiques, techniques et culturels), production et sélection de classes dirigeantes francophiles. La situation économique de ces pays, souvent désastreuse pour les populations, reflète la nocivité de ce système et la profonde hypocrisie des proclamations françaises sur la solidarité Nord-Sud. En France, cette domination néo-coloniale est largement occultée. Les médias français préfèrent évoquer l'impérialisme américain. Un journal s'est même un peu specialisé dans ce domaine. En faisant dans chaque numéro la critique la politique américaine, le Monde diplomatique offre à l'État français une diversion fort opportune.

Il va de soi que l'impérialisme américain doit être combattu particulièrement dans le contexte actuel d'offensive « antiterorriste ». Le Monde diplomatique le fait et c'est nécessaire. Cependaut, son anti-impérialisme est bien trop sélectif pour être dénué d'intentions inavouables. Pourquoi le Monde diplomatique, prompt à dénoncer les crimes de régimes soutenus par la CIA, s'en prend-il pas aux Bongo, Eyadéma, Compaoré, Biya, Sassou et autres despotes africains ? Le règne d'un Houphouët-Boigny était-il plus légitime que celui d'un Pinochet ? Il semble que lorsque un dictateur est un Africain francophile, Le Monde diplomatique juge la critique inconvenante et déplacée. Pourtant, ce journal « citoyen » devrait avoir à cœur d'alerter les Français sur la politique criminelle de l'État qui prétend les représenter. D'autant plus que c'est sur cette politique, et non sur celle des États Unis, que la population française peut agir le plus efficacement. (1)

Non seulement il n'y a jamais dans ce journal de véritable critique de la politique extérieure françase mais il faut aussi remarquer que ses choix rédactionnels ressemblent étrangement aux positions diplomatiques de l'État Français. 

Tiers-mondiste comme la Ve République

En ce qui concerne l'hostilité aux États-Unis, de Gaulle qui ne faisait pas que mentir et dont l'antiaméricanisme est bien connu a déclaré un jour : « N'oubliez jamais que nos alliés sont aussi nos adversaires. » De fait, les États-Unis sont des concurrents menacants, particulièrement en Afrique où ils disputent aux entreprises françaises « marchés tropicaux et méditerranéens » (2) et exploitation des matières premières. Depuis la fin de la guerre froide, cette rivalité inter-impérialiste s'est d'ailleurs accentuée puisque les compagnies américaines ont ravi aux capitalistes français des droits d'exploitation de matières premières stratégiques de l'Algérie au Congo-Kinshasa en passant par le Niger et les pays du golfe de Guinée. (3) Les États-Unis ont décidé de faire l'Afrique l'une de leurs principales sources d'approvisionnement pétrolier. (4) L'existence d'une offensive américaine contre les intérêts français ne fait pas de doute. L'Afrique est « l'un de nos plus gros partenaires commerciaux potentiels », déclarait Bill Clinton en août 2000. Déjà en 1994, Philippe Leymarie, évoquant l'aide financière américaine à l'Organisation de l'unité africaine, écrivait dans le Monde diplomatique : « Cette véritable OPA sur la grande organisation politique africaine, si elle tient ses promesses, fera pièce au dispositif militaire français qui a servi dix-huit fois depuis 1960. » Leymarie peut être rassuré, le dispositif français est bien vivant mais sa phrase est révélatrice. Récemment, dans une émission de France-Inter, l'importance de cette offensive américaine a été confirmée par Alexandre Adler qui, emporté par son élan, a lâché cette phrase précieuse sans être contredit par Colombani : « L'offensive menée par les États-Unis contre la politique de la France en Afrique qui a abouti à de nombreuses catastrophes [Adler pensait sans doute notamment à l'acharnement français pour conserver le Rwanda] dont l'installation de la farnille Kabila à Kinshasa et ceci dans une attitude véritablement de confrontation. » (5) Les mots employés par Adler témoignent de la vivacité du conflit inter-impérialiste. (Il se peut que cette expression paraisse « archaïque » à certains, mais la notion d'« Empire » de Toni Negri, actuellement à la mode, ne permet pas de comprendre les conflits africains.)

Quant aux positions « anti-mondialisation » du Monde diplomatique, elles sont, au moins en partie, le produit de cet auti-américanisme lié aux rivalités inter-impérialistes. (6) Deux politiciens éminents, Henri Emmanuelli et Jean-Luc Mélenchon en ont fait l'aveu dans un article dont le titre reprend le slogan d'ATTAC : « Un autre mondc est possible. ». Ces pseudo-radicaux écrivent : « C'est une lâcheté de faire mine de croire que l'ordre économique actuel du monde est séparable politiquement, diplomatiquement et militairement de l'hyperpuissance américaine. » (7) Il faut avoir à l'esprit que l'ouverture des marchés africains exigée par l'OMC et le FMI (8) signifie l'arrivée de concurrents très dangereux pour les capitalistes français. De plus, la manne financière accordée par le FMI aux oligarchies d'État peut contribuer à retourner des régimes, notamment en ce qui concerne l'identité des bénéficiaires des privatisations et l'attribution des marchés publics. Dans un article de janvier 1994, Philippe Leymarie écrit : « Désormais impuissante à assurer seule le fardeau d'économies et de sociétés en déroute, la France abandonne de plus en plus les pays de la zone franc aux lois d'airain du Fonds monétaire international, dominé par les États-Unis pour qui l'intégration de l'Afrique francophone au marché mondial est un impératif à la fois économique et politique. » L'article nous apprend également que « dans son dernier rapport annuel, le Consil des investisseurs français en Afrique s'en prend d'ailleurs à l'approche anglo-saxonne du libre-échange qui semble oublier les relations privilégiées entre Paris et une partie du continent ». (9) C'est assez clair. Par bien des aspects, la politique du FMI constitue un grave danger pour les intérêts des capitalistes français. Ainsi, le FMI a souhaité que les compagnies pétrolières gabonaises « soient auditées une fois par an » (la Lettre du continent, 26 juillet 2001). Depuis l'affaire Elf, on connaît (vaguement) l'importance des détournements de l'argent du pétrole, de son rôle dans le financement des partis politiques et du système de commissions et de rétro-commissions qui l'accompagne. Aussi, en France et au Gabon, chez ELF et dans les ministères, la demande du FMI n'a pas dû être du goût de tout le monde... Notons que la rivalité avec les États-Unis s'est encore intensifiée depuis la récente poussée de l'unilatéralisme américain. Elle apparaît désormais nettement dans la presse française. Compte tenu du rapport de force international, l'impérialisme français et, au-delà, l'impérialisme européen, empruntent les voies détournées et mystificatrices du discours moral.

En ce qui concerne le soutien au peuple palestinien, une autre grande position éditoriale du Monde diplomatique, il est sans doute légitime et nécessaire mais, dans le cadre français, il ne doit pas être pris pour de la subversion puisqu'il correspond à la politique traditionnelle de la Ve République à la recherche d'atouts pour renforcer sa politique arabe face auxÉtats-Unis. Le Monde diplomatique est tiers-mondiste comme la Ve République. Celle-ci a toujours détendu « l'aide au tiers-monde », ce qui se comprend aisément lorsque l'on sait que l'aide est utilisée pour entretenir les régimes clients, obtenir des marchés aux capitalistes tricolores (l'aide est en grande partie liée, c'est-à-dire assortie d'obligations d'achats), garder le contrôle des matières premières et remplir les poches des classes politiques françaises et africaines. (10) Autrement dit, l'aide est un des rouages essentiels du système néo-colonial.

En octobre 1981, à Mexico, François Mitterrand, s'adressant aux peuples d'Amérique latine, lançait « un message d'espoir à tous les combattants de la liberté ». De Gaulle, le père du néo-colonialisme français, savait très bien, lui aussi, jouer les héros du tiers-monde. En 1966, peu avant la guerre du Biafra qui allait faire 1,5 million de victimes et qui était totalement entretenue par la France, de Gaulle, le tiers-mondiste, partait à Phnom Penh discourir contre la guerre du Vietnam. En France, il y eut des comités Vietnam, mais pas de comités contre la politique française au Biafra. En soutenant le Biafra, la France prétendait « défendre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes » alors qu'elle disposait elle-même encore de Djibouti et des Comores (pour ne citer qu'eux) et qu'elle était le principal fournisseur d'armes à l'Afrique du Sud de l'apartheid. (11) En réalité, « le pays des droits de l'homme » poursuivait deux objectifs : subtiliser aux compagnies anglo-saxonnes les droits d'exploitation pétrolière et déstabiliser le Nigeria, géant anglophone au cœur de la zone francophone. Le Monde avec lui le Monde diplomatique s'ingénièrent à masquer la responsabilité française, préférant remplir leurs colonnes d'articles sur l'urgence humanitaire et sur les ventes d'armes britanniques au Nigeria.

Au cours des années 60, le Monde diplomatique était soustitré : « Le journal de la coopération et des organisations internationales ». Évidemment, il ne fallait pas attendre du « journal de la coopération » une remise en cause de la politique française, précisément dite « de coopération ». Ce sous-titre était comme un témoignage de son adhésion idéologique au projet néo-colonial de l'État français.

La légende d'Hubert Beuve-Méry

Le Monde diplomatique a été créé en 1954 par le journal le Monde alors dirigé par Hubert Beuve-Méry. Premier directeur du Monde diplomatique, il est souvent présenté comme l'illustre fondateur, le modèle déontologique, l'autorité morale. Le Monde a construit la légende d'Hubert Beuve-Méry et affirme encore quotidiennement qu'il s'agit de son fondateur. En fait, pour être plus exact (ou plus honnête), il faudrait écrire que le Monde a été créé par l'État francais puisque Hubert Beuve-Méry a été nommé directeur du Monde en 1944 par le ministre de l'Information Pierre-Henri Teitgen. De Gaulle disait avoir besoin du Monde « pour l'extérieur ». Il voulait aussi « un journal de prestige » qui remplisse « une fonction de service public » et qui soit « un instrument de la conscience nationale ». (12) Les autres dirigeants et propriétaires du journal, tous bons bourgeois patriotes, ainsi que les journalistes, ont été choisis, eux aussi, soit directement par le ministère de l'Information, soit avec son aval. Lorsqu'il est nommé à la tête du Monde, Hubert Beuve-Méry a déjà derrière lui un passé de serviteur de l'État. En 1934, il est correspondant du Temps à Prague. Or « l'usage veut que le correspondant, dans une capitale étrangère du journal officieux de la IIIe République soit dans la mouvance de l'ambassade de France ». (13) Pendant la guerre, il dirige le bureau des études de l'école d'Uriage, fondée par le gouvernement de Vichy pour former les cadres dirigeants du pays. A la Libération, Georges Bidault lui propose un poste d'ambassadeur à Prague, qu'il refuse.

Le Monde diplomatique a donc été créé par un journal fondé par l'Etat. Le Monde a pour actionnaires des groupes largement investis en Afrique : TotalfinaElf (14), la BNP, le Crédit agricole, la Compagnie financière de Suez, Thomson, etc. Le Monde contrôle toujours le capital du Monde diplomatique, qui détient lui-même des participations importantes dans Politis et Témoignage chrétien, deux journaux qui relaient très bien le mouvement « anti-mondialisation » Jean-Marie Colombani, directeur du Monde et qui a montré de troublantes proximités avec la DGSE (15), est président du Conseil de surveillance du Monde diplomatique. Les liens entre les deux journaux sont très forrs. Claude Julien, qui a été chef adjoint du service étranger du Monde de 1960 à 1968 et chef de ce service de 1968 à 1971, a dirigé le Monde diplomatique de 1973 à 1990. Sous sa direction, la dénonciation de l'impérialisme américain a été accentuée. Officier de la Légion d'honneur, il est l'auteurde l'Empire américain, un livre qui paraît au moment où Claude Julien prend la tête du service étranger du Monde. Ce livre a été primé (Prix Aujourd'hui, 1968) par quelques pontes du journalisme français, dont Jacques Fauvet, futur directeur du Monde, et Louis-Gabriel Robinet, directeur du Figaro. Bien médiatisé, il eut un impact important, notamment chez les étudiants. Au même moment, la Franœ finançait et armait la sécession biafraise... En fait, en matière de politique étrangère, le Monde et le Monde diplomatique disent souvent la même chose, mais d'une manière différente. Le Monde, c'est la prétention à l'objectivité d'articles apparemment équilibrés et mesurés. Le Monde diplomatique, par contre, choisit le ton de l'engagement et du militantisme. Mais, sur le fond, les deux journaux attirent l'attention de leurs lecteurs sur les mêmes crimes, les mêmes enjeux, les mêmes responsabilités. Aucun ne remet en cause les grands intérêts capitalistes et géopolitiques français.

Au cours des années 70, Philippe Decraène, chef de la rubrique africaine du Monde, écrit fréquemment dans le Monde diplomatique. Il est notamment l'auteur d'un article complaisant sur le Congo-Kinshasa de Mobutu paru en janvier 1970 et titré « Sur la voie de la prospérité ». En juillet 1974, le Monde diplomatique édite un supplément sur le Gabon intitulé : « Le Gabon, État pilote de l'Afrique centrale ». Dans ces neuf pages de publi-reportages, Philippe Decraène titre son article : « Une politique extérieure réaliste ». Dans le numéro du mois d'août 1982, son article est titré : « La Côte-d'Ivoire, symbole de prospérité et de stabilité ». Voilà comment on traite les dictatures françafricaines dans le Monde diplomatique : avec la politesse due aux amis qui d'ailleurs la lui rendent bien, puisque Philippe Decraène, officier de la Légion d'honneur, a également été décoré dans la plupart des pays d'Afrique francophone (grand officier de l'Étoile équatoriale du Gabon, officier du Mérite nigiérien, du Mérite centrafricain, de l'Ordre sénégalais du lion, etc.). Philippe Decraène a occupé le poste stratégique de vice-président de l'association des journalistes d'outre-mer, ce qui n'est pas surprenant puisqu'en matière d'information africaine, le Monde donne le ton au reste de la presse francaise.

Lorsque, au début des années 60, l'armée française est intervenue au Cameroun pour protéger le régime néo-colonial d'Ahmadou Ahidjo, bombardant des villages au napalm et massacrant des dizaines de milliers de personnes, le Monde n'a pas jugé utile d'en informer ses lecteurs. Indigné par l'anti-impérialisme sélectif de l'intelligentsia française, Mongo Béti intitula un des chapitres de Main basse sur le Cameroun(16) : « Honte et malédiction sur les Vietnam... des autres ».

Dissimulations citoyennes

En 1994, s'est perpétré un des pires génocides du Xe siècle. Le génocide rwandais a fait près d'un million de victimes en trois mois. Le « pays des droits de l'homme » a soutenu les bourreaux financièrement et militairement (opération Noroît, livraisons d'armes, opération Turquoise, etc.) avant, pendant et après le génocide. Sans la France, il n'y aurait pas eu de génocide rwandais. Aprés avoir couvert la retraite de Forces armées rwandaises (FAR), et des miliciens qu'il avait formés et équipés, l'État français les utilisa pour défendre le régime finissant de « l'ami » Mobutu. Logiquement, le Monde diplomatique, soi-disant tiers-mondiste et anti-impérialiste, aurait dû s'indigner de la complicité française dans le dernier génocide du siècle. Celle-ci n'est pas un détail de l'histoire de France. Elle méritait au minimum quelques éditoriaux virulents : or, aucun n'a traité ce sujet. Le Monde Diplomatique se contenta de rapporter dans des pages intérieures des informations déjà parues dans d'autres journaux, notamment dans la presse étrangère. Au mois de juin 1994, au lieu d'appeler ses lecteurs à exprimer leur révolte contre la politique effroyable de la France, Philippe Leymarie intitule son article : « La France et le maintien de l'ordre en Afrique » Il y écrit « Cet effort en matière d'aide à la sécurité et au maintien de l'ordre est combiné avec les actions purement civiles du ministère de la Coopération, en partie consacrées à la promotion de l'État de droit. » Il est vrai que le mois suivant, il signe enfin un article sérieux (« Litigieuse intervention française au Rwanda ») Mais, au bout du compte, le Monde diplomatique ne donna absolument pas à ses lecteurs la mesure du scandale de l'implication française.

En 1997, le dictateur Denis Sassou Nguesso revient au pouvoir par les armes au Congo-Brazzaville. Le Monde diplomatique a-t-il critiqué la politique française qui a rendu possible ce come-back ? Évidemment non. Un article se contente de cette interrogation : « Quels comptes M. Sassou Nguesso aura-t-il à rendre à ceux qui l'ont vraisemblablement aidé (l'Angola, le Gabon, la Franœ, Elf) et à ceux qui apparemment avaient pris quelques distances à son égard (l'ex-Zaïre, le Rwanda, l'Ouganda, les États-Unis) ? » Enfin, l'article conclut poliment : « Pour le moins, refaire l'unité nationale au Congo sera une tâche ardue », (17) On ne va quand même pas demander des comptes à ceux qui agissent en notre nom...

Si l'on observe quelques articles récents, les signes de complaisance vis-à-vis de l'impérialisme français ne manquent pas. Madagascar vient de connaître une crise politique aux conséquences économiques désastreuses. Le Monde diplmatique aurait pu s'indigner du soutien jusqu'au-boutiste de l'État français au dictateur Didier Ratsiraka. Mais il est vrai que son rival Marc Ravalomanana, qui est maintenant président, est réputé proche des Américains. Le Monde diplomatique a préféré attirer l'attention sur « Les racines culrurelles de la crise malgache » (mars 2002).

Dans le numéro d'avril, un article (« Mayotte assiégée par les gueux ») nous explique que le rattachement de Mayotte aux Comores n'est pas souhaitable, au mépris des revendications comoriennes et des nombreuses résolutions de l'Assemblée générale des Nations unies. La France n'a pas l'intention d'abandoner ce point d'appui dans l'océan Indien, d'autant plus que Mayotte est sur la route du cap par laquelle est acheminé le pétrole du Moyen-Orient.

Au mois de juin 2002, un article intitulé « L'Union européenne sous le feu de la critique » reproche à l'accord de Cotonou (passé entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique) de prévoir la suspension de l'aide en cas de violation des principes démocratiques. L'auteur n'hésite pas à écrire : « Il faudra laisser aux pays ACP en général et aux pays africans en partculier la possibilité de se prononcer sur chaque litige. En effet, un camp (l'Union européenne) ne peut pas prendre la décision ou la sanction qui concerne l'autre camp sans l'avis ou le vote de celui-ci. » Étant donné que les tyrans africains ne vont pas se sanctionner eux-mêmes, cette position revient à défendre non pas les Africains comme l'article voudrait le faire croire mais les dictatures françafricaines. Pour un journal prétendument à la pointe du progressisme, il fallait oser.

Au mois d'août, un autre article prétend défendre les Africains. En réalité, il sert parfaitement les intérêts des grands groupes forestiers francais (Bolloré, Intervood, Rougier). Au prix d'une belle supercherie. L'auteur de l'article intitulé « Comment préserver la forêt » reproche aux écologistes de ne pas tenir compte des intérêts économiques africains. Il cherche à dissiper les inquiétudes : « Les bailleurs de fonds - la France, la Banque mondiale - ont financé des plans de gestion et d'exploitation rationnelle. » L'auteur nous explique qu'il n'y a pas lieu de militer contre la déforestation. Il souligne que « certains engagements écologistes sont le produit d'un sentimentalisme issu de nos cultures occidentales ». Voici maintenant quelques informations que l'article se garde bien de donner. L'exploitation du bois, au-delà de ses conséquences strictement écologiques, est souvent profondément néfaste pour les paysanneries africaines. Le 22 mars 2002, sept agriculteurs camerounais ont porté plainte contre le groupe français Rougier et sa filiale camerounaise SFID devant les tribunaux français pour exploitationillégale de bois, destruction de biens appartenant à autrui, escroquerie, recel, corruption de fonctionnaires. Le dossier réalisé par Les Amis de la terre et l'association SHERPA précise qu'« en mai 1999, la Société forestière de Doumé (SFID) [...] procède à une coupe illégale de diverses essences de bois à l'insu des propriétaires (qui ont regagné leur village) et, pour accéder aux zones forestières, construit des pistes traversant certains champs. Cette opération illégale provoque la destruction de certaines cultures (arbres fruitiers), et certains planteurs ont dû renoncer depuis ce jour à une activité qui représentait leur seule source de revenu ». La France est le premier importateur mondial de bois africain. Aujourd'hui, le pillage des forêts du bassin du Congo continue. Le Monde diplomatique aurait pu faire savoir à ses lecteurs que près de 50 % du bois exotique importé en France est abattu dans des conditions illégales. Il aurait pu signaler que, au sein du Conseil de sécurité, la France (avec la Chine) s'est opposée à l'instauration d'un embargo sur le bois du Liberia alors que les revenus de l'exploitation forestière sont utilisés pour le trafic d'armes, au Liberia et en Sierra Leone. (18) Mais le Monde diplamatique préfère sans doute servir l'État français.

Dans le numéro de septembre, le Monde diplomatique utilise le concept de « néo-colonialisme » mais il s'agit de stigmatiser un concurrent (« L'évangile néo-colonial de M. Blair »). Par ailleurs, chacun pourra vérifier l'absence de critiques vis-à-vis de la France dans l'article d'Aminata Traoré (« L'oppression du développement »). Elle s'en prend par contre aux « tenants du tout marché, en particulier la très puissante administration américaine ». Pour les capitalistes français, dont les positions en Afrique ont longtemps été relativement peu disputées, la concurrence se fait rude sur les marchés africains.

Un journal très bien subventionné

Il existe un fonds d'aide « à l'expansion de la presse française à l'étranger ». Avec les 750.000 exemplaires de ses éditions allemande, arabe, espagnole, grecque, italienne, mexicaine, suisse, autrichienne, argentine, chilienne, portugaise et anglaise, le Monde diplomatique doit en être un des principaux bénéficiaires. Ce journal soi-disant contestataire est donc un des journaux français les mieux subventionnés, voire le journal français le plus subventionné au numéro. Dès lors, il est inutile de s'étonner que le Forum mondial de Porto Alegre, largement organisé par le Monde diplomatique (avec « l'association brésilienne des patron pour la citoyenneté ») ait été subventionné par le ministère des Affaires étrangères. (19) On peut par contre se demander si ce Forum n'était pas une sorte de cheval de Troie de la diplomatie françaaise au cœur de la « chasse gardée » américaine.

Quoi qu'il en soit, il faut souligner que la diffusion de l'information à l'échelle internationale est un enjeu considérable. Les États ont toujours cherché à influencer les opinions publiques des pays étrangers. (20) Les médias sont des acteurs des relations internationales. En influant sur les opinions publiques, ils permettent de modifier des rapports de force, d'accompagner des politiques voire tout simplement de les rendre possibles. Par exemple, le Monde est un journal très lu en Afrique francophone. Des analyses trop critiques vis-à-vis de la politique française poseraient bien des problèmes à la France et à ses alliés. Les Etats-Unis contrôlent CNN, la Franœ, quant à elle, dispose de RFI et du Monde diplamatique. Son indépendance affichée permet à l'État français de ne pas assumer tous les articles et garantit la crédibilité et donc le lectorat du journal.

Le Monde diplomatique contient de très bons articles, véritablement critiques, sur des sujets divers. Sa qualité fait la qualité de sa propagande. Elle est la condition de son infiuence idéologique de la gauche à l'extrême gauche politique, syndicale et associative. L'expression « appareil idéologique d'État » de Louis Althusser, qui désignait notamment les médias, semble particulièrement appropriée. De même, il faut lire ces phrases de Pierre Albert, un spécialiste des médias qui n'est pas connu pour son gauchisme : « De tout temps et en tout lieu la propagande a été l'auxiliaire du pouvoir : propagande interne pour convaincre les gouvernés de la légitimité de l'Etat ainsi que de la sagesse de l'action gouvernementale ; propagande externe pour magnifier, à l'étranger, l'image du pays et soutenir ses opérations diplomatiques et militaires. » (21) Instrument de la diplomatie française à l'extérieur, instrument de contrôle idéologique à l'intérieur, ce journal très patriote doit avoir pour devise : « L'impérialisme, c'est les autres. » Quant aux militants internationalistes qui ne s'identifient à aucun État et qui ne possèdent aucun gisement minier en Afrique il leur faut éviter de suivre cet anti-impérialisme sélectif et unilatéral, et par là même de se fourvoyer dans l'accompagnement d'une stratégie qui leur est étrangère. Tous les impérialismes méritent d'être dévoilés et combattus, celui de la première puissance mondiale comme celui de l'État qui prétend nous représenter. 

Guillaume MENCHI

Notes:1. C'est le raisonnement de Noam Chomsky. Américain, il combat la politiquedes États-Unis. Le Monde diplomatique publie ses articlesmais se garde bien d'appliquer ses analyses à la politique extérieurede la France.

2. Titre d'une revue destinée aux investisseurs français, appeléeMarchés coloniaux du monde jussqu'en 1956, date de l'indépendancede la Tunisie et du Maroc.

3. voir La Lettre du continent, n ° 381, n° 395, n° 399.

4. voir Billets d'Afrique, septemhre 2002.

5. France-Inter,« La rumeur du Monde », 28 juillet 2002.

6. Il s'agit des motivations de la direction du journal qui fixe la ligne éditoriale.Il va de soi que les motivations de la plupart des personnes qui écriventdans Le Monde diplomatique sont bien différentes. Par ailleurs,précisons que nous ne mettons pas en doute le caractère néfastedes plans d'ajustement structurel.

7. Le Monde,13 août 2002.
8. L'OMC et le FMI constituent, avec la Banque mondiale, « l'axe du mal » selon Ignacio Ramonet (éditorial de mars 2002) qui reprend la rhétoriquede G. Bush.

9. Le Mondediplomatique, « Inexorable effritement du modéle francoafricain »,janvier 1994.
10. Lire Tibor Mende, De l'aide à la recolonisation et Francois-XavierVerschave, La Françafrique.
11. Ces armes, fournies au mépris de l'embargo décrété par 1'ONU, protégèrent le régime de l'apartheid contre ses ennemis de l'extérieur et de l'intérieur. Lire ClaudeWauthier, Quatre présidents et l'Afrique.

12. Lire Jacques Thibau, le Monde, 1944-1996 Histoire d'un journal, un journaldans l'histoire.
13. Ibid, p. 21.
14. En 1986, Elf, qui n'a pas encore été privatisé, devient actionnairedu Monde à travers la Société Le Monde-Investissementbientôt dénommée Le Monde-Entreprises.
15. Lire Jean-Paul Gouteux, Le Monde, un contre-pouvoir ? Désinformationet manipulation sur le génocide rwandais, L'Esprit frappeur.
16. Livre passionnant publié par François Maspero en 1972. Interditen France jusqu'en 1976.
17. Martine-RenéeGalloy, Marc-Eric Gruenais, Au Congo, le pouvoir par les armes.
18. Le Point, « Les dealers du bois », 15 mars 2002.
19. 80.000euros selon le Monde du 2 février 2002. Il est évidentque cette somme n'a pas été attribuée par philanthropie.
20. Lire les Médias, acteurs de la vie internationale, sous la directiond'André-Jean Tudesq, Apogée, 1997.
21. Les médias, acteurs, etc. p. 179.
Les Temps Maudits, N°15, janvier-avril 2003 Revue syndicaliste révolutionnaire et anarcho-syndicaliste éditée par la CNT.

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